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10 biais algorithmiques de l’IA à éviter en recrutement

L’intelligence artificielle peut désormais trier automatiquement des CV, rédiger des offres, aider à planifier des entretiens ou à identifier des candidats pertinents. Autant d’outils puissants qui promettent gain de temps et efficacité ; mais derrière la promesse, un risque existe : celui des biais algorithmiques.
Comme tout humain, une IA peut “apprendre” avec des raccourcis, reproduire des stéréotypes ou exclure certains profils sans raison objective. En clair, si elle apprend à partir de données ou de pratiques biaisées, elle va répéter les mêmes travers, parfois de manière invisible. Le danger ? Passer à côté de talents et fragiliser la diversité de vos recrutements.
Utiliser l’IA dans les ressources humaines, c’est avant tout un moyen de gagner du temps sur les tâches répétitives pour se concentrer sur l’essentiel : l’humain.
Dans cet article, nous passons en revue 10 biais fréquents de l’IA en recrutement à connaître et éviter pour garder vos décisions équitables, inclusives et réellement performantes.
Comprendre les biais algorithmiques
Qu’est-ce qu’un biais algorithmique ?
Un biais algorithmique, c’est tout simplement une “distorsion” dans les résultats produits par une intelligence artificielle. En clair, l’outil prend des décisions influencées par des facteurs qui n’ont rien à voir avec la compétence ou la pertinence d’un candidat. Résultat : certains profils sont avantagés, d’autres désavantagés, sans raison objective.
D’où viennent ces biais ?
Ils ne sortent pas de nulle part. La plupart du temps, ils sont liés :
- aux données d’entraînement, qui reflètent des stéréotypes ou des déséquilibres déjà présents dans la réalité (exemple : un historique de recrutement très masculin dans la tech) ;
- aux modèles mal entraînés, qui “apprennent” de travers et amplifient certains signaux ;
- ou encore à une mauvaise interprétation des résultats par les recruteurs eux-mêmes, qui font trop confiance à l’IA.
Beaucoup de recruteurs imaginent que l’IA va “effacer” les biais humains. En réalité, c’est une idée reçue sur l'IA : l’IA ne fait que refléter les données qu’on lui donne.
Quels enjeux pour les RH ?
Pour les équipes RH, ignorer ces biais peut avoir des conséquences lourdes :
- Discrimination involontaire : exclusion de candidats pourtant qualifiés ;
- Perte de talents : passer à côté de profils divers et précieux ;
- Risques légaux et de mauvaise réputation : procédures pour discrimination, image employeur ternie, confiance affaiblie.
En résumé : l’IA peut être un formidable allié pour vos recrutements, mais mal utilisée, elle devient un miroir grossissant de nos propres biais.
10 biais algorithmiques de l’IA à connaître en recrutement (et comment les éviter)
#1. Le biais de données historiques
Définition :
L’IA reproduit les choix passés, même s’ils étaient biaisés : si vos anciens recrutements favorisaient certains profils, elle risque de continuer sur cette lancée lors du tri automatique des CV ou du matching de profils.
Exemple : si l’entreprise a surtout embauché des profils masculins, l’IA continuera sur cette lancée.
Impact : cercle vicieux de discrimination et homogénéité des équipes.
✅ Comment l’éviter ? Vérifiez que vos données d’apprentissage reflètent la diversité des candidats, et non uniquement vos habitudes passées. Diversifiez les données d’entraînement et recalibrez les modèles avec des jeux de données inclusifs.
#2. Le biais de sélection
Définition :
L’IA privilégie certains profils simplement parce qu’ils ressemblent à ceux qui ont été sélectionnés dans le passé ou parce que les données d’entraînement ne sont pas représentatives de la diversité des candidats.
Exemple : un algorithme de tri CV formé sur un panel limité (par exemple : surtout des commerciaux urbains) favorise ensuite systématiquement ce type de profil et ignore des candidats issus d’autres contextes.
Impact : appauvrissement du vivier, exclusion de profils atypiques mais qualifiés, homogénéité non voulue.
✅ Comment l’éviter ? Diffusez vos annonces sur plusieurs canaux et diversifiez vos viviers de candidats. Contrôlez régulièrement l’équilibre des profils sélectionnés et combinez l’IA avec une revue humaine des candidatures.
#3. Le biais de labellisation
Définition :
Il apparaît lorsque les données utilisées pour entraîner l’algorithme sont mal étiquetées ou subjectives. Comme l’IA apprend à partir de ces labels, elle reproduit ces erreurs.
Exemple : si certains recruteurs ont classé certains CV comme “bons candidats” et d’autres comme “mauvais”, en fonction de critères inconscients (genre, école, style du CV…), l’IA va considérer ces biais comme des vérités.
Impact : reproduction et amplification de jugements humains subjectifs, discrimination systémique difficile à détecter.
✅ Comment l’éviter ? Formez les personnes qui labellisent, diversifiez les équipes qui participent à l’annotation, croisez plusieurs avis pour réduire la subjectivité, et contrôlez régulièrement la cohérence des labels. Définissez également des grilles d’évaluation partagées, avec des critères précis et objectifs.
#4. Le biais de proxy
Définition :
L’algorithme utilise une variable indirecte (proxy) qui semble neutre mais qui est en réalité fortement corrélée à une donnée sensible (âge, genre, origine…).
Exemple : le code postal comme critère. En surface, il sert à estimer la proximité avec le lieu de travail. Mais en réalité, il peut refléter des facteurs socio-économiques ou culturels, et donc discriminer certains candidats.
Impact : discrimination masquée, parfois invisible même pour les recruteurs, car le critère paraît objectif.
✅ Comment l’éviter ? Identifiez les variables corrélées à des critères sensibles, testez les algorithmes pour repérer des biais indirects et supprimer/neutraliser les proxys problématiques.
#5. Le biais de similarité
Définition :
L’IA privilégie les profils ressemblant aux collaborateurs actuels.
Exemple : un algorithme favorise des CV très proches des employés déjà en poste.
Impact : manque de diversité et frein à l’innovation.
✅ Comment l’éviter ? Introduisez des critères de diversité dans l’évaluation et mixez les sources de candidatures.
#6. Le biais d’automatisation
Définition :
C’est le risque de faire une confiance aveugle à l’IA, sans la remettre en question.
Exemple : un candidat est écarté uniquement parce que son score d’IA est jugé trop bas, alors qu’un rapide coup d’œil humain aurait révélé des compétences précieuses.
Impact : décisions mécaniques, perte de talents, et renforcement des erreurs de l’algorithme.
✅ Comment l’éviter ? Formez les recruteurs à utiliser l’IA comme un outil d’aide à la décision, et non comme un juge. Gardez toujours une étape de validation humaine, surtout pour les rejets.
#7. Le biais de confirmation
Définition :
L’IA (ou son paramétrage) est utilisée pour valider des idées ou préférences déjà existantes, plutôt que pour explorer objectivement les candidatures.
Exemple : un manager persuadé que “les profils juniors sont plus adaptables” ajuste l’outil de tri de CV de façon à favoriser les candidatures juniors… et l’IA conforte son idée.
Impact : renforcement des préjugés, manque de diversité et cercle vicieux dans le recrutement.
✅ Comment l’éviter ? Paramétrez les algorithmes de manière neutre, diversifiez les critères et challengez régulièrement les hypothèses RH avec des audits externes.
#8. Le biais de langage
Définition :
L’IA accorde trop d’importance à certains mots-clés.
Exemple : un candidat qui écrit “gestion d’équipe” au lieu de “management” est mal classé.
Impact : rejet injuste de profils compétents.
✅ Comment l’éviter ? Enrichissez les bases lexicales de l’IA (synonymes, variations) et évitez un filtrage trop rigide par mots-clés.
#9. Le biais d’échantillonnage
Définition :
L’IA est entraînée sur un échantillon trop restreint ou non représentatif.
Exemple : un modèle formé uniquement sur des CV de candidats urbains oublie les réalités du marché rural.
Impact : conclusions faussées, vivier appauvri.
✅ Comment l’éviter ? Diversifiez les données d’entraînement (inclure des CV de différentes zones géographiques, niveaux d’expérience, secteurs, etc.), vérifiez la représentativité, mettez à jour régulièrement les données et testez l’IA sur des cas “hors échantillon”.
#10. Le biais de transparence
Beaucoup d’outils fonctionnent comme une “boîte noire” : ils donnent une note ou un classement, sans explication.
Exemple : un logiciel attribue un score de “compatibilité” de 78 % à un candidat… mais personne ne sait quels critères exacts ont été utilisés pour arriver à ce chiffre.
Impact : perte de confiance des recruteurs et des candidats, impossibilité de challenger les décisions de l’IA, risque légal en cas d’accusation de discrimination.
✅ Comment l’éviter ? Exigez des explications claires de la part de vos prestataires et choisissez des outils qui rendent leurs décisions compréhensibles. Formez les RH à comprendre les limites de ces outils pour ne pas utiliser aveuglément des scores opaques. Prévoyez un droit d’explication pour les candidats, afin qu’ils comprennent comment leur dossier a été évalué.
En résumé : Les biais algorithmiques en recrutement
Pour y voir plus clair, voici un récapitulatif simple des principaux biais présentés dans cet article :
- Historique = l’IA reproduit les choix passés ;
- Sélection = données pas assez variées ;
- Labellisation = données mal étiquetées ou subjectives ;
- Proxy = critère caché qui discrimine sans en avoir l’air ;
- Similarité = l’IA privilégie les profils qui ressemblent aux collaborateurs actuels ;
- Automatisation = on fait une confiance aveugle à l’IA ;
- Confirmation = on paramètre l’IA pour valider nos idées reçues ;
- Langage = importance excessive donnée à certains mots-clés ;
- Échantillonnage = données trop restreintes, pas représentatives du marché ;
- Transparence = “boîte noire” : l’IA donne un score sans expliquer ses critères.
Exemples concrets et cadre légal
Les biais algorithmiques ne sont pas qu’un concept théorique. Plusieurs affaires et régulations montrent à quel point ils sont déjà au cœur des débats… et des obligations légales.
Exemples
- Cas Amazon (2018) : un outil interne de tri de CV a été abandonné après qu’il favorisait systématiquement les candidats masculins. Pourquoi ? Parce qu’il avait été entraîné sur des CV historiques majoritairement masculins. Morale : l’historique façonne le modèle.
- Entretiens vidéo & analyse faciale : après des critiques scientifiques et réglementaires, certains éditeurs ont supprimé l’analyse du visage/expressions. Morale : attention aux signaux non pertinents.
Un cadre légal qui se renforce
- AI Act (UE) : le recrutement via IA est classé comme usage “à haut risque”. Conséquences : gouvernance stricte des données, transparence des critères, supervision humaine obligatoire, audits de risques… avec une mise en application progressive entre 2025 et 2027. L’IA en recrutement sera encadrée comme un processus critique.
- Cadre France (CNIL) : la CNIL a publié en 2025 des recommandations spécifiques à l’IA. Elles insistent sur : information claire des candidats, minimisation des données, et analyses d’impact (PIA) lorsque nécessaire.
- Exemple international (NYC – Local Law 144) : depuis 2023, les entreprises qui utilisent des outils d’IA pour évaluer les candidats doivent réaliser un audit de biais annuel et informer les candidats de leur utilisation.
Comment limiter les biais dans l’usage de l’IA ?
Bonne nouvelle : les biais algorithmiques ne sont pas une fatalité. Il existe des leviers concrets pour réduire leurs effets et faire de l’IA un véritable allié du recrutement équitable.
#1. Diversifier les données d’entraînement
Un algorithme n’est jamais meilleur que les données qu’on lui fournit. Plus elles sont variées (genres, âges, parcours, géographies), moins le risque de biais est fort. Conseil : choisissez des solutions qui intègrent des jeux de données représentatifs.
#2. Cartographier où intervient l’IA
Identifiez clairement à quelles étapes l’outil est utilisé : tri de CV, planification d’entretien, scoring de candidatures, sourcing…
Faites une fiche simple pour chaque usage : pourquoi on utilise l’IA, quelles données elle exploite, quel résultat elle produit, et quel contrôle humain est prévu.
#3. Auditer régulièrement les outils
Les IA évoluent et leurs résultats aussi. Mettre en place des contrôles périodiques permet de détecter des dérives (par exmple, trop de rejets sur un groupe de candidats). Conseil : programmez des “bias audits” internes ou externes.
#4. Garder une supervision humaine
L’IA doit rester un outil d’aide à la décision, pas un juge. Conseil : imposez une validation humaine avant toute décision finale pour éviter les rejets injustes.
#5. Former recruteurs et managers
Les biais ne viennent pas que de la machine : ils viennent aussi de la manière dont on l’utilise. Conseil : sensibilisez vos équipes RH aux limites de l’IA et à leurs propres biais cognitifs. Cela vaut aussi pour des outils généralistes comme ChatGPT, qui peuvent être de précieux alliés pour vos recrutements à condition d’être utilisés avec esprit critique.
#6. Favoriser la transparence
Un score ou une recommandation n’a de valeur que si on sait d’où elle vient. Conseil : optez pour des outils explicables (Explainable AI), et exigez de vos prestataires une documentation claire sur les critères utilisés.
#7. Tester en conditions réelles
Avant de déployer un outil à grande échelle, testez-le sur des cas concrets et variés. 👉 Conseil : vérifiez comment il traite les profils atypiques, juniors, seniors ou issus de reconversions.
Conclusion
Les biais algorithmiques ne doivent pas être vus comme une fatalité. L’IA reste une aide précieuse si elle est utilisée avec vigilance. Le secret ?
- Des données diversifiées ;
- Une transparence sur les critères ;
- Une validation humaine systématique ;
- Et des audits réguliers.
En résumé : l’IA peut améliorer le recrutement, mais c’est à vous, recruteurs, de poser les garde-fous pour garantir l’équité et l’inclusion. Et demain, son rôle dépassera le simple tri de CV : l’IA participera à l’automatisation des processus RH dans leur ensemble, du recrutement à l’onboarding, jusqu’à la gestion des compétences.
Bibliographie et sources
Cas concrets (exemples emblématiques) :
- Amazon et le biais historique (2018)
Reuters – Amazon scraps secret AI recruiting tool that showed bias against women : https://www.reuters.com/article/world/insight-amazon-scraps-secret-ai-recruiting-tool-that-showed-bias-against-women-idUSKCN1MK0AG - HireVue supprime l’analyse faciale dans ses entretiens vidéo (2021)
SHRM – HireVue Discontinues Facial Analysis Screening : https://www.shrm.org/topics-tools/news/talent-acquisition/hirevue-discontinues-facial-analysis-screening - Wired – Job Screening Service Halts Facial Analysis of Applicants : https://www.wired.com/story/job-screening-service-halts-facial-analysis-applicants/
- Unleash.ai – Employers are dropping facial recognition software — what’s next? : https://www.unleash.ai/artificial-intelligence/employers-are-dropping-facial-recognition-software-but-what-will-replace-it/
Rapports institutionnels & académiques :
- AI Act (Union européenne) - Commission européenne – AI Act: rules for Artificial Intelligence : https://artificialintelligenceact.eu
- CNIL (France) - CNIL – Comment permettre à l’Homme de garder la main ? Les enjeux éthiques des algorithmes et de l’IA : https://www.cnil.fr/fr/comment-permettre-lhomme-de-garder-la-main-les-enjeux-ethiques-des-algorithmes-et-de-lintelligence-artificielle
- World Economic Forum - AI in Hiring: Addressing bias to support diversity (2019) : https://www.weforum.org/stories/2019/05/ai-assisted-recruitment-is-biased-heres-how-to-beat-it/
- Travaux académiques - ResearchGate – Bias in AI Recruitment Systems: An Ethical Evaluation of Algorithmic Hiring Tools : https://www.researchgate.net/publication/392514977_Bias_in_AI_Recruitment_Systems_An_Ethical_Evaluation_of_Algorithmic_Hiring_Tools
Blogs spécialisés & presse RH :
- Candidatus (ATS) – Quels sont les biais potentiels de l’IA dans les logiciels de recrutement ? : https://blog.candidatus.com/ats-recrutement/ats-definition/intelligence-artificielle-et-ats/quels-sont-les-biais-potentiels-de-lia-dans-les-logiciels-de-recrutement/
- Huntzen – La face cachée de l’embauche par l’IA : les biais des algorithmes : https://huntzen.co/fr/blog/ressources-humaines/la-face-cachee-de-lembauche-par-lia--les-biais-des-algorithmes
- Mercato de l’emploi – Les algorithmes de recrutement : où finit l’objectivité, où commence le biais ? : https://mercato-emploi.com/les-algorithmes-de-recrutement-ou-finit-lobjectivite-ou-commence-le-biais/
- Grant Thornton France – Recrutement et intelligence artificielle : opportunités et limites : https://www.grantthornton.fr/fr/insights/articles-et-publications/2025/recrutement-et-intelligence-artificielle/
Vision d’ensemble :
- Wikipédia – Algorithmic bias (vue d’ensemble des biais algorithmiques, dont ceux appliqués au recrutement) : https://en.wikipedia.org/wiki/Algorithmic_bias