Saviez-vous que les candidats dont l'identité est à consonance maghrébine ont 31,5% de chances en moins* de recevoir une réponse à leur candidature que ceux portant un prénom et un nom d'origine française ? Une statistique qui fait froid dans le dos.
La discrimination à l’embauche reste une réalité ancrée, parfois volontaire, souvent inconsciente. Elle ne touche pas seulement l’origine : l’âge, l’adresse, le sexe, la situation familiale, le handicap ou encore l’apparence physique peuvent, malheureusement, eux aussi, devenir des critères illégitimes qui influencent une décision de recrutement.
Le problème, c’est que ces biais n’ont rien à voir avec les compétences d’un candidat. Pire encore : ils privent les entreprises de talents, de diversité, d’innovation et d’un vivier de profils dont elles auraient cruellement besoin.
Que dit la loi sur le sujet ? Quelles sont les différentes formes de discrimination à l'embauche ? Quelles actions mettre en place pour lutter contre la discrimination à l'embauche ? On vous dit tout !
*Source : DARES, Discrimination à l'embauche des personnes d'origine supposée maghrébine, novembre 2021
SOMMAIRE
Par définition, la discrimination est une inégalité de traitement fondée sur un critère interdit par la loi (sexe, âge, état de santé, origine, orientation familiale, etc.) et dans un domaine encadré par la loi, comme l’embauche.
La discrimination à l’embauche désigne donc le fait de traiter un candidat différemment des autres en s’appuyant sur des éléments subjectifs sans aucun lien avec les compétences, l’expérience ou les aptitudes nécessaires au poste. Autrement dit, le recruteur évalue la personne sur ce qu’elle est, et non ce qu’elle peut faire.
À l’inverse, le principe d’égalité des chances consiste à offrir à chaque personne les mêmes opportunités d’accès à l’emploi, sur la seule base de sa capacité à occuper efficacement le poste.
Ce principe n’est pas une simple ligne directrice : c’est un fondement de notre République, inscrit dans la loi et rappelé dans de nombreuses décisions de justice.
C’est la forme la plus évidente : un employeur traite moins favorablement un candidat explicitement en raison d’un critère prohibé. Intentionnelle, assumée ou volontaire, même parfois exprimée à demi-mots.
Exemples :
Elle survient lorsqu’une règle ou un critère apparemment neutre désavantage de manière disproportionnée une catégorie de personnes. Elle semble neutre en apparence, mais produit un effet discriminatoire.
Exemples :
Ce sont les plus fréquentes aujourd’hui. Le recruteur ne cherche pas à discriminer, mais son jugement est influencé par des biais cognitifs.
Types de biais :
Il s’agit de pratiques ancrées dans les processus, habitudes ou normes d’une organisation qui produisent, sans volonté explicite, un effet discriminatoire.
Exemples :
La discrimination est intégrée au système même si personne ne la formule.
C’est une forme particulière : une personne est victime d’agissements hostiles en raison d’un critère protégé, avant même ou pendant l’embauche.
Exemples :
Le candidat est discriminé non pas pour ce qu’il est, mais pour son lien avec une personne ayant un critère protégé.
Exemples :
👉 Encore peu connue, mais reconnue par la jurisprudence.
La discrimination à l'embauche est interdite par la loi en France, qui stipule que : “tout salarié, tout candidat à un emploi, un stage ou une période de formation en entreprise est protégé par la loi contre les discriminations à l’embauche et au travail”.
Voici les critères de discrimination énoncés par le Code du travail dans l’article L. 1132-1 :
Voici quelques exemples concrets de discrimination à l’embauche recensés par le Centre d’Éducation Populaire André Genot :
"Priver les gens de leurs droits fondamentaux revient à contester leur humanité même." - Nelson Mandela
Si la discrimination à l’embauche est strictement interdite, la loi prévoit toutefois quelques exceptions, lorsque la prise en compte d’un critère normalement prohibé est justifiée par :
Ces cas sont rares, mais bien réels. Voici des exemples concrets de situations où un critère peut être légalement pris en compte dans un recrutement :
La prise en compte du sexe peut être autorisée si elle répond à une exigence objective liée au poste.
Exemples :
Exception possible lorsqu’un texte légal fixe un âge pour exercer la fonction.
Exemples :
Autorisé uniquement si absolument nécessaire à l'exécution du poste.
Exemples :
Autorisé uniquement si la maîtrise d'une langue ou la connaissance d’une origine culturelle est indispensable :
Exemples :
⚠️ À retenir : ces exceptions sont strictement encadrées. Elles doivent toujours être justifiées, documentées, proportionnées. Dès lors que le critère n’est pas essentiel à l’exercice du poste, il redevient discriminatoire.
Les collaborateurs victimes de discrimination à l’embauche peuvent contacter l'inspection du travail, les organisations syndicales, les associations de lutte contre les discriminations ou bien le défenseur des droits. Tous ces acteurs seront en mesure de les appuyer pour poursuivre le recruteur.
La discrimination constitue un délit prévu par le Code pénal (article 225-1 et suivants).
Les peines encourues sont :
Ces sanctions peuvent être alourdies si l’infraction est commise dans un contexte aggravant (par exemple, avec publicité ou répétition).
Les services de l’État (Inspection du travail, Défenseur des droits) peuvent intervenir et mener des enquêtes. L’entreprise risque alors :
Important à rappeler : ce n’est pas seulement l’entreprise qui est responsable. Le recruteur lui-même (manager, RH ou dirigeant) peut être condamné à titre individuel s’il est à l’origine de la discrimination.
La victime peut saisir le conseil de prud’hommes ou le tribunal compétent pour obtenir :
Au-delà de la loi, les conséquences sur l’image employeur peuvent être dévastatrices : bad buzz sur les réseaux sociaux, perte de candidats, défiance des collaborateurs, difficulté à attirer les talents, risque de rupture de contrats commerciaux ou institutionnels.
Aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, une affaire de discrimination peut ruiner des années de travail sur la marque employeur. Par exemple, des entreprises ayant des propos discriminants lors de leurs recrutements sont citées sur les réseaux sociaux avec la mention "name and shame". Cette pratique consiste à dénoncer l'entreprise et ainsi la "couvrir de honte".
Si la loi fixe un cadre strict, éliminer réellement les discriminations à l’embauche demande bien plus qu’un simple respect des règles. Cela implique de transformer les pratiques, de sensibiliser les équipes et de structurer les processus de recrutement pour limiter le poids des biais, qu’ils soient conscients ou non.
De nombreuses actions concrètes permettent de recruter de manière plus équitable, objective et inclusive.
Pour prévenir toute dérive, formez les recruteurs et managers aux questions interdites en entretien d’embauche.
Exemples de gestes simples :
Quelques exemples de questions interdites :
Un entretien conforme protège à la fois le candidat et l’entreprise.
Le meilleur moyen de limiter les biais, c’est un entretien structuré :
Un processus standardisé réduit jusqu’à 60 % l’impact des préjugés inconscients.
Pour éviter d’écarter des profils injustement :
Les parcours variés apportent créativité et résilience.
Avec Flatchr, vous pouvez générer des CV anonymisés en un clic afin de limiter l’influence des biais. Cette fonctionnalité vous permet de partager un CV à vos managers tout en masquant les informations sensibles du candidat (nom, prénom, âge, photo, école, etc.).
Pour ne pas tomber dans les stéréotypes :
Une évaluation de candidat factuelle = moins de place aux préjugés.
Pour ouvrir réellement la porte à tous :
Le choix des mots influence les candidatures.
Plus un candidat passe d'entretiens, plus les biais se multiplient.
Solutions :
Un processus plus court = plus équitable.
La lutte contre la discrimination passe par :
On ne peut combattre ce qu’on ne connaît pas.
Pour aller plus loin, le livre de Marie-Sophie Zambaux “Recrutement sous influence : libérez-vous des biais cognitifs” est une excellente porte d’entrée pour comprendre comment notre cerveau déforme la réalité… et influence nos décisions, notamment en recrutement.
L’ouvrage explique simplement les principaux biais cognitifs, leurs mécanismes, leurs effets sur nos jugements, et surtout comment les repérer et les limiter en entretien. Un indispensable pour toute équipe RH ou manager souhaitant recruter de manière plus objective et plus juste.
Pour éviter la subjectivité :
Cela garantit plus de transparence et d’équité.
Pour éviter de recruter toujours les mêmes profils :
Diversifier les canaux = diversifier les talents.
Vous pouvez, par exemple, prendre au hasard une dizaine de CV, les étudier et vous assurer qu’ils ont été refusés pour des raisons valables et objectives. C'est une pratique fortement encouragée par le gouvernement, qui préconise aux entreprises de recourir à l'analyse interne pour qu’elles vérifient elles mêmes leurs pratiques d’embauches.
La discrimination à l’embauche n’est pas seulement un enjeu juridique : c’est un véritable défi humain, éthique et organisationnel. Les biais, conscients ou non, peuvent s’infiltrer à toutes les étapes du recrutement et priver l’entreprise de talents précieux.
Mais la bonne nouvelle, c’est qu’il existe aujourd’hui des outils, des pratiques et une prise de conscience croissante pour lutter contre ces dérives. En structurant les entretiens, en formant les équipes, en objectivant les décisions et en adoptant des solutions comme le CV anonymisé, chaque organisation peut faire un pas concret vers plus d’équité.
Recruter sans discriminer, ce n’est pas seulement respecter la loi : c’est renforcer sa marque employeur, attirer des profils variés, créer des équipes plus performantes et contribuer à une société plus juste.
En somme : l’inclusion n’est pas un concept, c’est une pratique quotidienne. Et le recrutement en est l’un des terrains les plus puissants.