Chaque étape du processus de recrutement est encadrée par le droit du travail, du moment où l’on rédige une offre d’emploi jusqu’à l’entretien et à la conservation des données. Ignorer ces règles expose l’entreprise à des sanctions juridiques, mais aussi à un risque d’image employeur dégradée.
Pourtant, de nombreux managers opérationnels, qui ne sont pas des experts RH, se retrouvent à piloter des recrutements sans toujours connaître les obligations légales. Ce guide a pour objectif de leur donner des repères simples et concrets afin de sécuriser leurs pratiques et de garantir l’égalité des chances entre candidats.
Respecter la loi ne signifie pas seulement éviter les sanctions : c’est aussi garantir l’équité entre tous les candidats et renforcer la crédibilité de l’entreprise.
Le Code du travail fixe ainsi plusieurs principes fondamentaux qui encadrent le recrutement, qu’il s’agisse de lutter contre les discriminations, d’assurer la confidentialité des informations recueillies ou de protéger les données personnelles. Comprendre ces règles est essentiel pour tout manager amené à recruter, même ponctuellement.
L’article L.1132-1 du Code du travail interdit toute discrimination fondée sur l’origine, le sexe, l’âge, l’apparence physique, la religion, la situation familiale, les opinions politiques, l’orientation sexuelle, l’identité de genre, ou encore le lieu de résidence. Ces critères ne peuvent en aucun cas justifier une décision de recrutement.
Concrètement, cela signifie qu’un candidat ne peut pas être écarté en raison de son nom, de sa nationalité, de sa grossesse ou de son appartenance syndicale. Un refus à l'embauche discriminatoire peut donner lieu à une saisine du conseil de prud’hommes et à des dommages et intérêts.
Les informations collectées doivent avoir un lien direct avec l’emploi proposé. L’entreprise doit informer les candidats des méthodes utilisées (tests, mises en situation, questionnaires) et garantir la confidentialité des résultats. Conformément au RGPD, les CV et données personnelles ne peuvent être conservés que pour une durée limitée et uniquement avec l’accord du candidat.
Les tests de recrutement (psychotechniques, de personnalité, mises en situation, etc.) peuvent aider à évaluer les aptitudes des candidats, mais leur usage est strictement encadré :
Bien utilisés, ces outils renforcent l’objectivité du recrutement, à condition de respecter transparence et proportionnalité.
Ignorer les règles du recrutement n’expose pas seulement à des risques juridiques. Les conséquences peuvent être lourdes :
Se conformer aux obligations, c’est protéger l’entreprise sur tous les plans : légal, financier et réputationnel.
La rédaction de l’annonce constitue la première étape du processus de recrutement. C’est souvent le premier contact entre un candidat et l’entreprise, et sa formulation reflète à la fois le sérieux juridique et la culture interne de l’organisation. Une offre mal rédigée peut non seulement décourager des profils qualifiés, mais aussi exposer l’employeur à des sanctions. Il est donc essentiel de connaître les règles légales applicables et d’adopter, au-delà du strict cadre juridique, une approche inclusive et moderne.
La loi encadre strictement le contenu d’une offre. Elle ne peut comporter aucune référence à l’âge, à la situation familiale ou à la nationalité, sauf exception prévue par la loi. De même, l’emploi doit être décrit en français, même si certains termes techniques étrangers peuvent être tolérés lorsqu’il n’existe pas d’équivalent.
Un arrêt de la Cour de cassation (20 janvier 2009) a rappelé qu’exiger une carte d’électeur dans une offre d’emploi constituait une discrimination, car la condition reposait indirectement sur la nationalité.
Si la loi fixe des interdits, les entreprises peuvent aussi renforcer leur attractivité grâce à une rédaction inclusive. Les mots utilisés donnent un signal fort sur la culture et les valeurs de l’organisation.
Certaines expressions écartent inconsciemment des profils compétents : « jeune et dynamique », « diplômé d’une grande école », ou encore l’utilisation d’intitulés genrés comme « une assistante » ou « un chauffeur-livreur ». Pour rendre une offre plus inclusive :
Une offre inclusive contribue à élargir le vivier de talents et renforce l’image d’un employeur responsable.
L’entretien est une étape clé du processus de recrutement. C’est le moment où le manager et le candidat échangent directement, ce qui permet d’évaluer les compétences, la motivation et l’adéquation au poste. Mais c’est aussi une phase sensible sur le plan juridique : poser certaines questions, même de manière informelle, peut constituer une discrimination.
Un recruteur a le droit de poser des questions qui permettent d’apprécier les capacités du candidat à occuper le poste. Ces questions doivent avoir un lien direct et nécessaire avec l’emploi. Par exemple :
Ces informations permettent de vérifier que le candidat dispose des aptitudes nécessaires pour réussir dans le poste proposé.
Certaines questions sont strictement prohibées, car elles concernent la vie privée du candidat et n’ont aucun lien avec son aptitude professionnelle. Il est ainsi interdit d’interroger sur :
Même posées de manière « informelle », ces questions peuvent être utilisées par un candidat comme preuve de discrimination en cas de litige.
Un manager peut parfois, sans intention malveillante, poser une question qui semble anodine mais qui place le candidat dans une situation délicate. Par exemple : « Vous habitez loin, pensez-vous que cela pose un problème ? ». Si la distance n’a pas d’incidence réelle sur le poste, la question est inutile et peut être perçue comme discriminatoire.
De même, demander au candidat : « Êtes-vous disponible pour travailler certains week-ends ? » est légitime si le poste comporte effectivement des missions le samedi ou le dimanche. Mais poser la question sans justification claire peut laisser penser que vous cherchez à tester sa situation familiale ou sa capacité à concilier vie privée et vie professionnelle, ce qui peut être mal perçu.
Pour éviter ce type de maladresse, il est conseillé de s’en tenir à une grille d’entretien préparée en amont et validée avec les RH, centrée exclusivement sur les compétences et expériences professionnelles.
Au-delà des interdictions, certaines méthodes simples permettent de mener un recrutement conforme et objectif :
Ces pratiques renforcent à la fois la sécurité juridique et l’expérience candidat. Impliquer les managers dans ce processus est essentiel : en les sensibilisant aux règles et aux bonnes pratiques, l’entreprise s’assure d’un recrutement à la fois conforme et cohérent.
Le respect du droit ne s’arrête pas à la sélection du candidat : une fois l’embauche décidée, l’entreprise doit accomplir plusieurs formalités légales. Ces obligations visent à protéger le salarié, sécuriser la relation de travail et garantir la conformité de l’employeur.
Tout recrutement doit être déclaré à l’URSSAF (ou à la MSA pour le secteur agricole) avant la prise de poste. Cette démarche permet notamment l’immatriculation du salarié à la Sécurité sociale et son affiliation aux organismes de protection sociale. L’omission de cette formalité peut être lourdement sanctionnée, jusqu’à une présomption de travail dissimulé.
Le salarié doit recevoir un contrat écrit, précisant au minimum : la nature du contrat (CDI, CDD, alternance), la durée du travail, la rémunération, la période d’essai éventuelle et la convention collective applicable. Ces mentions encadrent la relation de travail et protègent à la fois l’entreprise et le collaborateur.
Selon le poste occupé, une visite médicale ou un examen d’information et de prévention doit être organisé par la médecine du travail. Elle doit avoir lieu dans un délai de trois mois suivant l’embauche, et plus rapidement pour les postes à risques. Son objectif : vérifier l’aptitude du salarié et prévenir les risques pour sa santé.
L’employeur doit remettre au salarié plusieurs documents clés : la convention collective, le règlement intérieur (si l’entreprise en dispose), la notice d’affiliation à la mutuelle obligatoire, ainsi que toute information sur les dispositifs collectifs (épargne salariale, retraite, etc.). Cette transparence contribue à instaurer une relation de confiance dès l’intégration.
En parallèle, l’entreprise doit veiller à l’inscription effective du salarié auprès de la mutuelle, des caisses de retraite et des organismes sociaux. Même si ces démarches sont souvent automatisées via la paie, leur bonne réalisation reste sous la responsabilité de l’employeur.
Le cadre légal du recrutement évolue rapidement et les entreprises doivent rester vigilantes. Plusieurs tendances marqueront les prochaines années :
En résumé, se conformer aux obligations légales n’est pas figé : c’est un processus évolutif. Anticiper ces évolutions, c’est protéger l’entreprise et renforcer son attractivité auprès des candidats.
Respecter la loi dans le recrutement protège l’entreprise, garantit l’égalité de traitement et améliore l’image employeur. Une offre d’emploi claire et inclusive, un entretien centré sur les compétences et un processus transparent contribuent à bâtir un recrutement responsable et attractif. Les managers comme les RH ont donc tout intérêt à s’approprier ces règles pour donner à l’entreprise toutes les chances d’attirer les meilleurs profils.